RECONSTRUIRE LE VILLAGE DE BREIL-SUR-ROYA
Dans un second temps, nous nous sommes penchées sur un projet architectural à l'échelle de Breil-même, sur le site-clé du plateau de la gare et celui du centre ancien délaissé. Il s'agit d'imaginer simultanément un programme d'hébergement et d'intégration des demandeurs d'asile dans le village, tout en concevant des espaces refuges pour les futures crues, qui serviraient lors de l'urgence. Tous les bâtiments du projet sont donc conçus dès le départ comme réversibles et fonctionnent différemment en temps normal et en temps de catastrophe.
Le projet face aux risques
C’est en discutant avec Pierre Brigode, ingénieur hydrologue à l’université de Nice, que nous avons compris la nécessité de travailler à l’échelle du bassin versant afin d’avoir un réel impact sur les inondations. Gérer le chemin et l’infiltration de l’eau dans tout le bassin versant est en effet la seule solution pour réduire la violence des inondations sur le long terme. C’est dans cette logique que nous avons identifié une démarche à suivre à chaque étage de la montagne et sur chaque paysage rencontré, afin de permettre une meilleure infiltration de l’eau dans le sol et ainsi réduire le phénomène de ruissellement excessif, une des causes des inondations. Il s’agirait à l’étage du village de Breil (en dessous de 300 m d’altitude) de libérer le lit mineur de la rivière en rendant toutes les berges inconstructibles, en abattant les arbres dans son lit pour éviter les embâcles et en traitant les berges de manière naturelle, avec des chemins de terre et des pentes douces plutôt que des routes goudronnées. A l’étage collinéen, donc l’étage des cultures (jusqu’à 800 m), il s’agirait de développer la culture en restanques partout où cette pratique a été abandonnée. Elle permet en effet de réduire les phénomènes d’érosion, de ralentir le ruissellement de l’eau lors de fortes précipitations et de favoriser la capacité d’absorption des sols. Ces restanques de pierres sèches, bien qu’elles nécessitent une main d’œuvre assez importante, peuvent être réalisées par tous les profils, et peuvent être entretenues facilement par les agriculteurs et maraîchers locaux, qui y cultivent les produits typiques de la vallée. Aux étages montagnard et subalpin, les espaces de forêt principalement, il s’agirait plutôt d’abattre et d’élaguer les arbres en bordure de torrents pour ne pas les encombrer et éviter les embâcles plus bas dans la vallée. Il serait également utile de construire là aussi des restanques, cette fois-ci dans le cours des torrents, pour ralentir la vitesse de l’eau et favoriser son infiltration. Enfin, à l’étage alpin, là où les forêts disparaissent pour laisser place aux prairies d’altitude, la démarche serait de limiter au maximum l’expansion de la forêt en maintenant la pratique du pastoralisme, pratique qui permet la conservation du paysage ouvert de la prairie pour les bêtes l’été, et qui permet la culture du foin le reste de l’année.
Notre entretien avec la directrice du CEPRI (Centre Européen de Prévention du Risque d’Inondation) ainsi que l’observation de la gestion de crise lors de nos voyages nous ont permis d’identifier les besoins spécifiques du village durant cette période, dont plusieurs bâtiments (gymnase, crèche...) ont été “bloqués” pendant des mois afin d’accueillir les programmes liés à l’urgence. Nous avons ainsi imaginé un projet qui intégrerait les multiples temporalités de la catastrophe : des espaces réversibles pouvant accueillir des programmes utiles au quotidien mais également des espaces réquisitionnables pour l’urgence après l’inondation.
Notre travail programmatique s’est accompagné d’un travail du sol sur le plateau de la gare, où nous avons développé un projet paysager de gestion de l’eau à l’échelle de tout le site, comprenant des canaux de récupération pour stocker l’eau, des bassins de rétention, un bassin sec qui se remplit d’eau en cas de fortes pluies, des pavements perméables et l’utilisation de la pierre sèche pour les assises et les murets. Ces différents aménagements permettent ainsi d’infiltrer l’eau au maximum et de rendre la ressource plus visible pour mieux l’appréhender et l’utiliser.
Breil-sur-Roya,
Alpes-Maritimes, France
Valentine Chauvet et
Alice Roux
Risque inondation
Projet de fin d'études
Centre d'hébergement et d'insertion pour les demandeurs d'asile, réversible en cas d'inondation
Le 3 octobre 2020, un épisode méditerranéen se crée au-dessus des Alpes-Maritimes et entraîne la crue de plusieurs cours d'eau de la région. Des dizaines de villages sont touchés et parmi eux la petite commune de 2200 habitants de Breil-sur-Roya, site d'étude de notre diplôme.
Comment continuer à habiter un territoire soumis à des risques climatiques violents ?
Après 3 voyages sur place consacrés au bénévolat, nous avons pu dresser le portrait de Breil, petit village à la frontière italienne isolé au milieu des montagnes et traversé par une route migratoire importante. Nous avons dans un premier temps imaginé un projet paysager à l'échelle du bassin versant, qui consiste à entretenir la montagne et à renouer avec des aménagements traditionnels pour limiter l'érosion des pentes, maximiser les infiltrations et éviter les embâcles dans les cours d'eau en cas de fortes pluies.